Exercer une autorité éducative

Bruno ROBBES est maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Cergy Pontoise et membre du laboratoire EMA (École, Mutations, Apprentissages).

Selon lui, l’enjeu de l’École vis-à-vis des élèves est de « construire en eux l’humanité ». À ce titre, l’autorité ne saurait donc être un pouvoir destiné à rendre les élèves dociles et silencieux. L’autorité débute lorsque l’enseignant choisit de contribuer à cette construction d’humanité. Il est donc question d’une « autorité éducative » qui ne se décrète pas mais se construit, en permanence.

L’enjeu de l’exercice d’une autorité éducative consiste à maintenir, en toutes circonstances, la relation d’éducation, sans soumettre le jeune mais sans pour autant le laisser chercher seul ses propres limites.

Elle est une relation d’autorité , transposable dans et hors l’École qui se construit dans et par l’action, un lien fondateur de l’humanisation et du groupe social, une condition d’éducation. Elle est un phénomène personnel et relationnel. Personnelle parce qu’elle ne se délègue pas, sous peine d’être perdue pour celui qui l’exerce. Relationnelle parce qu’elle induit, de fait, une interaction entre deux individus, dans un contexte déterminé, dans un temps donné (elle n’a pas vocation à durer puisqu’elle doit précisément amener à l’autonomie).

Elle s’inscrit dans trois sens indissociables :

  • Être l’autorité : l’autorité statutaire est nécessaire mais non suffisante pour créer les conditions d’apprentissage.
  • Avoir de l’autorité : une confiance suffisante en soi permettant d’accéder à la responsabilité individuelle pour pouvoir autoriser l’autre à être auteur de lui-même.
  • Faire autorité : la mobilisation par l’enseignant de savoirs d’action contextualisés en termes de communication, pédagogiques et didactiques, d’organisation interne.

L’autorité éducative se définit donc comme une relation statutairement asymétrique dans la mesure où son détenteur cherche à influencer l’autre considéré comme sujet pensant et être reconnu de lui sans violence et donc symétrique car cette influence l’amène à être auteur de lui-même. Elle s’exerce donc dans l’obéissance mais aussi dans le consentement, entre instabilité et recherche de solidité, de sécurité.

Elle se construit dans la durée, c’est-à-dire dans un domaine, dans un espace, avec une personne ou un groupe, à un moment donné. Elle n’est jamais définitivement acquise, d’où la difficulté à l’exercer. Elle fait également appel au respect : celui initié par l’enseignant. Ce dernier se doit en effet d’être attentif à son propre comportement avant de l’exiger des élèves. Il y gagne ainsi en crédibilité et la valeur d’exemple engage l’élève dans la réciprocité.

Il n’existe aucune recette. C’est en utilisant conjointement son statut, sa confiance suffisante et ses savoirs d’action, que l’enseignant peut établir son autorité éducative, c’est-à-dire :

  • Sans avoir recours à la violence ;
  • En considérant les élèves comme éducables, capable d’apprendre, comme des sujets humains ;
  • En prenant en compte les intérêts subjectifs et l’intérêt général ;
  • En acceptant l’idée que les résultats ne sont pas immédiats ;
  • Sans oublier qu’elle travaille à sa propre disparition (autonomie de l’élève à se discipliner lui-même, à s’autoriser).

Il s’agit donc de développer une expertise professionnelle, une capacité réflexive en vérifiant l’efficacité de ce qui a été dit, fait…), tâche difficile s’il en est, notamment pour les professeurs débutants.

Face aux incidents, la communication ne suffit pas : car cela voudrait dire que l’on échappe aux principes de droit, l’enseignant devenant alors « juge et partie ». De plus il n’a pas le temps d’instruire et il ne peut pas tout faire en même temps. Quelques principes sont donc nécessaires :

  • Différer (éviter les paroles, les décisions quand les esprits sont échauffés) ;
  • Élaborer un sens à ce qui s’est passé or sur le moment c’est impossible ;
  • Limiter la parole au moment de l’incident car le cours doit se dérouler tout en montrant que le « plus tard » est prévu et institué ;
  • En situant la parole « après » au cœur du travail éducatif et pas seulement celle de l’adulte mais aussi celle de l’élève et/ou du groupe, sur les faits, en veillant à élaborer ensemble ce qu’il s’est passé, comprendre ce qui n’a pas fonctionné ;
  • Prévenir : la parole du « après » peut alors devenir la parole du « avant ».

Les heures de vie de classe peuvent être utilisées à ces fins, ainsi qu’une charte des règles à condition qu’elle ne soit pas figée dans le temps mais garde au contraire une dynamique.

Des outils d’harmonisation peuvent aider à fédérer le groupe, reconnaître une place à chaque élève afin que l’autorité soit sécurisante :

  • La codification avec la construction d’un code interne à la classe mais aussi dans l’établissement : incarnation de la parole, des gestes, des postures, des positionnements de l’enseignant signifiants pour l’élève en termes d’autorité. Devant être compris par l’élève, le code doit être explicité.
  • La figuration par l’image : apparence de l’enseignant qui se doit d’investir le rôle, garant de sa fonction professionnelle.
  • La figuration par l’objet : certains objets (bâton de parole, tableau, le bureau…) peuvent être dépositaires de l’autorité de l’enseignant.
  • La ritualisation : de structure (l’appel, les places fixes…), de passage (accueil aux portes de l’établissement et/ou de la classe, visite de l’établissement), d’appartenance (photo de classe, sortie…).

Vidéo Qu'entendez-vous par autorité éducative ?

 Source vidéo : Qu'entendez-vous par autorité éducative ?

 Extrait d'une publication du Centre de ressources en Economie-Gestion, Académie de Versailles : L'autorité éducative, la construire et l'exercer.

Fiche complète à télécharger ICI

https://creg.ac-versailles.fr/l-autorite-educative-la-construire-et-l-exerce

Date de dernière mise à jour : 15/07/2025