Le triangle didactique

Les différentes pédagogies peuvent être évaluées/comparées sous le prisme du triangle didactique proposé par le pédagogue Jean Houssaye (1988). Cette schématisation permet d’analyser le curseur que l’on place sur l’enseignement, la formation, les apprentissages en évaluant la place de chacun : l’apprenant, l’enseignant et le savoir.

Triangle didactique :

Image Sandra Rivière

C'est un triangle qui met en relation les 3 processus suivants :

• Enseigner (situé entre le professeur et le savoir) : c’est le travail de gestion de l'information, c’est la transmission de connaissance où le contenu prime.
• Former (situé entre le professeur et les élèves) : on retrouve l'éducation et la formation, on privilégie le relationnel avec l’apprenant, l’échange, les techniques d’enseignement.
• Apprendre (situé entre les élèves et le savoir) : on est dans une approche constructiviste où l’élève apprend le plus possible par lui-même.

Chaque acte pédagogique fait donc intervenir les 3 processus nommés.

Dans une situation idéale d’apprentissage, les 3 pôles sont présents : les savoirs ont leur place, il y a une touche d'aide de l'enseignant et des échanges entre élèves ; le tout en proportions identiques. Dans ce cas, les 3 processus ont des proportions identiques et le triangle est équilatéral. Dans le cas où une pédagogie (choisie) induit qu’un des pôles « fasse le mort », alors 2 pôles dominent et le triangle devient isocèle : un seul processus sera actif, celui qui lie les 2 pôles dominants.

Les pédagogies axées sur le processus "Enseigner" se rapprochent de l'enseignement frontal ou du cours magistral, ainsi que des interactions basées sur des questions-réponses. L'enseignant accorde une grande importance à la préparation de sa classe en amont : les cours sont structurés, avec des objectifs précis.

Les pédagogies axées sur le processus "Former" partent du principe que pour enseigner à un élève, il faut bien connaître cet élève (l'enseignement spécialisé utilise souvent ce processus). Elles diffèrent en fonction de la place du curseur entre enseignant et élève. À différents degrés, on trouve :

- les pédagogies institutionnelles (inspirées des travaux de Jean Oury) où les élèves et les enseignants créent, établissent et font respecter les règles de l'école ensemble.

- les pédagogies non-directives (selon Carl Rogers), où on laisse la liberté à l'élève de s'exprimer et choisir sa manière d'apprendre.

- les pédagogies libertaires (selon A. S. Neill), où on n'impose rien à l'élève.

Les pédagogies axées sur le processus "Apprendre" sont centrées autour du constructivisme : l'enseignant est présent et apporte son étayage si besoin aux élèves, mais il se met le plus possible en retrait. Le curseur se déplace entre savoir et élève. On y trouve encore une multitude de pédagogies différentes, telles que la pédagogie Freinet, les pédagogies par objectifs, l'enseignement assisté par ordinateur (EAO), etc. En se rapprochant du pôle élève, on est plutôt dans de l'apprentissage par projets ; en se rapprochant du pôle savoir, on est plutôt dans la métacognition (apprendre à apprendre, connaître ses propres processus d'apprentissage).

 Changer de pédagogie revient donc à changer de processus comme changer de processus revient à changer de pédagogie. Il est également possible d’imaginer des curseurs sur les côtés du triangle : pour un même processus d'enseignement, on peut imaginer un grand nombre de variantes possibles en fonction de la place du curseur. On comprend mieux maintenant pourquoi il existe autant de pédagogies…

Le triangle pédagogique est un support pour savoir où se situe votre propre enseignement : quel(s) pôle(s) et processus vous avez tendance à privilégier, et lesquels vous avez tendance à oublier. Il est normal de "voyager" sur le triangle, et il est impossible d'être sur les 3 pôles de manière parfaite : l'enseignement, c'est naviguer entre différentes pédagogies pour trouver celle qui convient le mieux à un moment donné. Ce qu'il faut éviter, c'est de rester constamment dans une situation où c’est toujours le même pôle du triangle qui fait le mort car vous risquez de déclencher de la lassitude chez vos élèves et d’en perdre quelques un, perdus par une stratégie choisie par vous et qui ne leur conviendrait pas.

Prenons un premier exemple où c’est le processus "Enseigner" qui est fortement privilégié au détriment des autres. C'est le cas typique d’un enseignant passionné par sa discipline et qui n'imagine pas une seconde que ses élèves ne partagent pas son enthousiasme. Passionnément aveugle, il transmet son savoir sans impliquer ses élèves. Certains vont apprécier et boivent ses paroles au point parfois d’en perdre leur libre arbitre et leur esprit critique. Chez d’autres, non conquis, certains vont vite entrer en posture de refus alors que d’autre pourraient entrer en posture ludique et vite mettre le bazar dans la classe.

Dans le cas où c’est le processus « former » qui domine, on peut observer des situations où l’enseignant voulant vraiment faire avancer ses élèves, finit par mettre en place un guidage trop fort, biaisant ainsi les résultats obtenus. Il est aussi possible d’observer un déséquilibre dans la balance savoir-relationnel au point que certains élèves se souviennent plus de l’ambiance du cours que du contenu du cours…

Enfin dans le cas où c’est le processus "Apprendre" qui est fortement privilégié au détriment des autres, à trop vouloir mettre les élèves en situation d’autonomie constructive, l’enseignant prend le risque de perdre certains élèves pour qui les compétences d’organisation et d’autorégulation ne sont pas encore acquises.

Il est donc à retenir qu’il n’est pas une pédagogie qui prime. À chacun de varier les pédagogies afin d’éviter la lassitude des élèves.

Et si vous n’en êtes pas convaincu, pensez aux frites à la cantine !  Servez des frites une fois par mois, c’est la fête ! Servez des frites tous les jours, ce n’est plus la fête….

Source : Article Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Triangle_p%C3%A9dagogique

Jean Houssaye, Le triangle pédagogique, Les différentes facettes de la pédagogie, ESF, Paris, 2014.

Triangle pedagogique.png, par Nibbler869, via Wikimédia Commons,  

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