Psychologie de l'adolescent
Un adolescent n'est ni un enfant, ni un adulte : c'est un adulte en devenir...
Cette formulation résume à elle toute seule la complexité de l'état d'esprit des adolescents. Qui sont-ils ? Qui ne sont-ils plus ? Qui vont-ils devenir ?
Le développement de l'adolescent
Source : https://video.toutatice.fr/mgistere/videos-parcours-mgistere/video/33230-formation-des-aesh-d2s10-developpement-de-ladolescent/
Quelques apports théoriques sur l'adolescence pour comprendre vos élèves.
Françoise Thuillier, ayant enseigné pendant 20 ans en Français Langue Etrangère est maintenant praticienne en psychothérapie (approche intégrative et analytique, accompagnement des adultes haut potentiel, psychologie transculturelle) à Dijon. Elle nous propose d'aborder les 2 points suivants de l'adolescence afin de mieux appréhender nos élèves.
Adolescence et crise d'adolescence
Arrivé dans les premiers moments de l’adolescence, sous l’influence de la puberté, une mue s’opère, le corps change, et le jeune adolescent doit faire face à la difficulté d’imaginer le processus de changement et les transformations dans lesquelles il est impliqué. Parallèlement, c’est l’âge des premières amours où il va connaitre ses premiers émois, ce qui lui prend beaucoup d’énergie et provoque nombre de questionnements dans le domaine de la sexualité, d’où un manque de concentration sur les tâches scolaires. Cette révolution ne peut que s’accompagner d’une réorganisation de la structure interne psychique.
À cette modification de sa représentation corporelle répond en écho la remise en question du fonctionnement de l’identité sociale. Il ne se sent plus enfant physiquement, et va donc chercher à établir son individualité propre, la structurer et en avoir une représentation aboutie, si tant est qu’elle puisse l’être. Pour ce faire, l’enfant va répéter inconsciemment le schéma d’individuation qu’il a connu durant les dix premières années de sa vie.
- Envers les parents tout d’abord, ces figures d’autorité auxquelles il s’est identifié enfant, n’apparaissent plus comme des modèles et sont souvent, à ses yeux, de plus en plus décevantes. L’illusion de l’enfance tend à disparaître.
- Pour pallier cette disparition, il va chercher ailleurs, en dehors du cercle familial, des modèles au quotidien, envers lesquels vont se rejouer les modes relationnels de la prime enfance, la crise œdipienne notamment, d’où les tensions envers les professeurs (parmi d’autres modèles) qui sont à la fois extérieur au monde de l’enfance tout en étant des figures parentales de substitution.
Ce faisant, il va redéfinir ses limites avec son environnement. Cette remise en cause se manifeste essentiellement dans ce que nous nommons communément « la crise de l’adolescence » :
- Conflits entre les adolescents et les autres générations, avec rejet des instances parentales ou sociales formant leur cadre contenant (recherche et désir de s’affirmer en tant qu’individu) ;
- Paradoxalement apparition d’un besoin d’amour, de type infantile, manifesté auprès des figures d’attachement, et notamment des figures d’autorité (besoin de se réassurer et de reconnaissance)
- Manifestations de malaise et d’incertitude dans les registres corporel, identitaire, sexuel ;
- Des interrogations et des changements dans ce qu’il veut devenir (l’idéal du moi), dans les représentations de soi.
- Des comportements d’idéalisation des nouveaux modèles, couplés de dénigrements
Ces fluctuations d’humeur, ces paradoxes, tout pénibles soient-ils pour l’enfant et son entourage, sont les symptômes d’un deuil douloureux, mais nécessaire, de l’enfance : l’adolescent doit renoncer à certaines de ses illusions, à certaines images de lui, voire aux situations infantiles et à ce qu’elles pouvaient lui apporter. Ils sont aussi signes de maturation et de mise en structure de l’identité, d’acquisition progressive de l’autonomie.
C’est ainsi qu’à terme, nous observons une diminution des transgressions, les limites de soi et de l’environnement ayant été définies. De même, une nouvelle attitude à l’égard des figures parentales (parents, professeurs, figures d’autorité investies affectivement) se fait jour : il y a une réduction des conflits, de la dépendance, jusqu’à l’établissement de relations de coopération etc. La capacité à construire et à reconstruire l’autonomie propre, à affronter les conflits réels et imaginaires marque la fin de l’adolescence.
source : "Inclure un public adolescent allophone", Françoise Thuillier Praticienne en psychothérapie, https://www.francoise-thuillier.fr/, avec son aimable autorisation.
Les mécanismes de défense des adolescents
La mue de l’adolescence, porteuse de conflits psychiques, génère anxiété et mal- être. Pour tenter de remédier à ces affects, les adolescents adoptent inconsciemment divers comportements, souvent ambivalents, des mécanismes de défense, selon leur vécu et le moment, dont certains sont plus spécifiques à cette période (cf. les travaux d’Anna Freud).
Les premiers mécanismes de défense concernent la relation aux parents :
- L’affection portée jusque-là aux parents se porte sur d’autres personnes ou activités (notamment sur les professeurs, les coachs sportifs), avec des renversements de l’affect envers les parents : les sentiments sont inversés, passant de l’affection à l’hostilité par exemple ;
- Un développement du narcissisme sous la forme d’omnipotence ou de grandeur ;
- La régression, soit un retour vers les modèles parentaux, avec identification à ceux-ci.
Les seconds mécanismes de défense concernent le corps et le rapport à l’autre et nous pouvons observer divers comportements :
- L’ascétisme : un contrôle de soi par inhibition de toute satisfaction y compris des besoins biologiques (comme la faim, le sommeil etc.)
- L’intransigeance : avec adoption de principes stricts, moraux et esthétiques, sans concession possible ni évolution vers d’autres attitudes.
- L’intellectualisation : permet sous une forme élaborée, abstraite, de tenter de tenir à distance le « vécu affectif », très sensible à cette période de la vie, et d’avoir la sensation de contrôle.
- Le clivage (cf. Mélanie Klein) : il se manifeste le plus souvent sous la forme du passage d’une attitude à son opposé, de choix extrêmes, manichéens dans les relations. Le clivage s’associe souvent avec le déni (= refus inconscient de reconnaitre la réalité d’une perception). Le clivage et le déni sont repérables dans les comportements contradictoires de certains adolescents, leurs brusques changements d’humeur, leurs positions radicales excluant tout compromis ou leur absence de prise de conscience de leurs sentiments ou de leurs souhaits, pourtant perceptibles de l’extérieur.
Parfois, des mécanismes plus radicaux viennent redoubler les effets du clivage :
- L’identification projective est une adhésion sans critique, et avec perte d’identité, à des systèmes de valeurs radicaux ;
- La projection, aboutissant au sentiment de vivre dans un monde extérieur dangereux et menaçant ;
- L’idéalisation primitive, soit un choix de relations à l’autre inaccessibles ou d’Idéal du Moi mégalomaniaque ;
- L’idéalisation est un des mécanismes de défense les plus présents à l’adolescence. Bien que contraignante car produisant une représentation excessive de soi ou de l’autre, elle est nécessaire au développement de l’adolescent : elle lui permet de se donner des objectifs et des modèles qui peuvent être source de gratification et de soutien ;
- L’acting / mise en acte/ recours à l’agir est présenté comme fréquent à l’adolescence. Ce qui ne peut être exprimé verbalement s’exprime par le biais d’actes, qui « soulagent » car provoquant une libération et une rupture d’avec la souffrance psychique. Certains actes appartenant au registre de la pathologie peuvent pour quelques- uns posséder cette signification ; ex : les addictions (toxicomanie, différentes formes d’alcoolisation), l’anorexie, la boulimie, les tentatives de suicide, l’hétéro- agressivité, etc.
Il est à noter que, même s’ils possèdent une fonction protectrice contre l’angoisse, ces mécanismes de défense ne sont pas toujours structurants pour l’identité et peuvent en limiter son fonctionnement, voire modifier profondément l’organisation de l’individu, menant parfois l’adolescent vers des épisodes dépressifs.
source : "Inclure un public adolescent allophone", Françoise Thuillier Praticienne en psychothérapie, https://www.francoise-thuillier.fr/, avec son aimable autorisation
Testez-vous ! Voici un petit quizz sur l'adolescence
Date de dernière mise à jour : 16/07/2025