Stress : Le circuit de la peur

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I Les structures impliquées dans le circuit de la peur

La peur est une émotion forte et intense éprouvée en présence d’une menace réelle ou imaginaire. 

En faisant passer un I.R.M. à un patient en état de stress et ayant peur, on remarque que la partie la plus active du cerveau est une zone correspondant à l’amygdale.

Document 1 : Image obtenue par résonnance magnétique (IRM) d’un patient en état de stress révélant l’implication des amygdales

File:Amygdala activation.jpg

Amygdala_activation, par G.KONSTANTINA travail personnel, via Wikimédia Commons, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Amygdala_activation.jpg

L’amygdale appartient au système limbique, cerveau émotionnel et affectif. Il détecte les dangers et produits des réponses afin d’augmenter nos chances de survie face à une situation dangereuse. 

Ce système est constitué de plusieurs noyaux situés sous le cortex, disposés telle une frange (limbus = frange), tout autour du sommet du tronc cérébral. 

Document 2 : Localisation du système limbique dans l’encéphale

Légende : limbic system = système limbique, brainstem = tronc cérébral, spinal cord = moelle épinière




Fichier: Brain limbicsystem.jpg : teens.drugabuse.gov, travail dérivé: Pixelsquid, via Wikimédia Commons, domaine publique, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Brain_limbicsystem.svg, modifié par Sandra Rivière

Les 3 principales composantes de ce système sont l’amygdale, l’hippocampe, l’hypothalamus.


 

Document 3 : Organisation du système limbique

Blausen_0614_LimbicSystem, Blausen.com staff (2014). "Medical gallery of Blausen Medical 2014". WikiJournal of Medicine 1 (2). DOI:10.15347/wjm/2014.010ISSN 2002-4436., CC-BY-3.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Blausen_0614_LimbicSystem.png, modifié par Sandra Rivière

Le rôle de l’hypothalamus a déjà été détaillé. Intéressons-nous à l’hippocampe et à l’amygdale.

1) Le rôle de l’hippocampe

Chez l'Homme et les autres primates, il se situe dans le lobe temporal médian, sous la surface du cortex. 

Document 4 : IRM d’une personne atteinte d’Alzheimer et montrant une baisse d’activité dans le lobe temporal où est localisé l’hippocampe

PET_Alzheimer, Institut national américain sur le vieillissement, Centre d'éducation et de référence sur la maladie d'Alzheimer via Wikimédia Commons, domaine publique, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:PET_Alzheimer.jpg

Des études IRM chez des sujets âgés, chez qui les pertes de mémoire sont fréquentes, ont montré une nette diminution du volume de l’hippocampe. L’imagerie par résonnance magnétique chez des patients atteints de la maladie l’Alzheimer caractérisée par une perte de mémoire et une perte de capacité à s’orienter, montre une diminution du nombre de neurones et un important rétrécissement de cette structure cérébrale. Ainsi l’hippocampe est une structure impliquée dans l’analyse des informations reçues concernant une situation et donc dans l’apprentissage et la mémorisation, le tout permettant l’orientation dans l’espace.

Document 5 : Comparaison d’un cerveau normal âgé et d’un cerveau de patient atteint d’Alzheimer

Légende : shrinkage = rétrécissement, enlarged = agrandi



800px-Alzheimer's_disease_brain_comparison, par via wikimedia commons, travail dérivé: Garrondo ( discussion ), SEVERESLICE_HIGH.JPG : ADEAR: "Alzheimer's Disease Education and Referral Center, un service de l'Institut national sur le vieillissement.", PRECLINICALSLICE_HIGH.JPG : ADEAR: "Alzheimer's Disease Education and Referral Center, un service de l'Institut national sur le vieillissement.", domaine publique, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Alzheimer%27s_disease_brain_comparison.jpg

Le cortisol à haute dose est toxique pour les cellules de l’hippocampe. Cela explique le symptôme de désorientation que présentent certains individus quand l’organisme atteint la phase d’épuisement.

Ainsi l’hippocampe, par son rôle dans l’apprentissage et la mémoire épisodique permet de contextualiser l’agent stresseur et d’éventuellement modérer la réaction de l’organisme si une expérience similaire a déjà eu lieu et qu’elle s’était bien terminée. Il est connecté à l’amygdale, à l’hypothalamus et aux noyaux antérieurs du thalamus avec qui il échange en permanence des informations.

2) Le rôle de l’amygdale

L’amygdale est située dans le lobe temporal en avant de l’hippocampe. Afin de préciser son rôle, des expériences ont été faites sur des rats.

Plusieurs souches de rats sont connues pour différer sur le plan hormonal, physique et comportemental. Les rats SD sont considérés comme présentant une réponse normale au stress alors que les rats F344 sont considérés comme hypersensibles au stress et présentent un taux de corticostérone plasmatique particulièrement élevé en réponse à l’application d’un stress aigu. Les rats F344 présentent une non-habituation au stress.

Le protocole est le suivant. Le rat est placé pendant 30 minutes sur une plateforme instable carrée de 20 cm de côté, située à 1 mètre de hauteur. Le rat présente alors un comportement d’immobilisation à l’origine d’un stress physiologique aigu (contraction permanente et importante des muscles). Si le rat tombe, il est immédiatement replacé sur la plateforme. De fait, l’état de stress est maintenu. 

Après 15 jours d’exposition au même stress de la plateforme, on observe une augmentation significative du volume de l’amygdale uniquement chez le rat F344 comparé au rat SD. 

Document 6 : Expérimentation sur deux souches de rats

On sait que le rat F344 ne présente pas d’habituation au stress, cela signifie que la réponse au stresseur ne diminue pas au cours de l’expérience. Ces rats sont de plus hypersensibles au stress, hypersensibilité traduite par une production très importante de corticostérone : l’axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénallien est donc activement stimulé. Chez ces rats, la réponse est donc exagérée par rapport à la valeur du stresseur. L’amygdale n’est pas impliquée dans la régulation des glucocorticoïdes ni dans le mécanisme de résilience. Par contre le fait qu’elle augmente de volume chez ces rats montre qu’il y a un lien entre elle et l’axe HHC. On peut donc émettre l’hypothèse que l’amygdale intervient dans le processus d’analyse et l’interprétation des stimuli liés à l’agent stresseur et donc à l’émotion que génère celui-ci. 

Cette hypothèse est vérifiable en analysant des IRM d’encéphale de sujets à qui on fait écouter de la musique. Les sujets ne ressentant aucune émotion particulière à l’écoute d’un morceau, ne présentent pas d’activation de leur amygdale contrairement à ceux ressentant une émotion. L’amygdale est donc bien impliquée dans la naissance des émotions.

Document 7 : Résultats d’IRM de patients à qui l’ont fait écouter de la musique




Brain chrischan.jpg, par Christian R. Linder, via Wikimedia commons,  CC-BY-SA-3.0-migré, modifié par Sandra Rivière, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Brain_chrischan.jpg

Les lésions de l’hippocampe ou de l’amygdale n’entraînent qu’une légère perte de mémoire mais la destruction bilatérale de ces deux structures cause une amnésie globale. Amygdale et hippocampe sont donc liés. 

3) Une interaction permanente des différentes parties du système limbique.

L’amygdale génère donc les émotions et l’hippocampe contextualise et mémorise. Mais cela ne suffit pas pour gérer la situation, d’autres petites structures limbiques sont primordiales :

  • Les  noyaux antérieurs du thalamus assurent le relais des informations sensorielles et motrices,
  • les corps mamillaires sont impliqués dans la mémoire à long terme et permettent le comparatif avec les expériences passées,
  • le fornix est constitué de fibres nerveuses reliant l’hippocampe à d’autres structures, permettant le traitement, entre autres, des informations émotionnelles,
  • le septum est impliqué dans le circuit de la récompense mais aussi dans le comportement social, l’expression de la peur,
  •  le gyrus cingulaire  sert de voie de transmission entre les parties intérieures et extérieures du système limbique.

Le système limbique est également connecté au cortex sensoriel mais également au cortex préfrontal impliqué dans le raisonnement et la mémoire de travail, et avec lequel il échange des informations dans les 2 sens. Ceci permet une réévaluation permanente de la situation. 

L’amygdale reçoit également des informations en provenance d’une zone du tronc cérébral appelée le locus coeruleus. Ce dernier sous l’action de l’adrénaline et de la noradrénaline libérées, informe l’amygdale du niveau de stress de l’organisme. Cette dernière peut ainsi informer le cortex préfrontal sur l’état général des viscères ce qui lui permet de réévaluer en permanence la situation.


Document 8 : Afférences de l’amygdale

800px-Amygdale-afférences par Pancrat travail personnel, via Wikimédia Commons,  CC-BY-SA-3.0, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Amygdale-aff%C3%A9rences.jpg

Chacune de ces zones apporte donc une information qui permet à l’amygdale d’être activée par des situations menaçantes et ce qui fait qu’elle joue un rôle central dans la mémoire associative inconsciente.  De manière simple, en cas d’apparition d’un stimulus associé à une menace, l’amygdale agit directement sur l’hypothalamus pour déclencher la réaction de peur et l’état de stress aigu via l’axe HCC. Cette réaction est modulée par les structures voisines : l’hippocampe dont la mémoire épisodique et spatiale permet de contextualiser l’agent stresseur,  et le cortex préfrontal qui mobilise les facultés langagières et les capacités réflexives et permet ainsi une réévaluation de la situation.

Document 9 : Schéma simplifié de la circulation de l’information dans le système limbique

Les sentiments (le cerveau affectif) sont donc liés de près aux pensées (le cerveau cognitif). C’est ainsi que nous pouvons être conscients de la richesse des émotions qui colorent notre vie. La communication entre le cortex cérébral et le système limbique explique pourquoi les émotions priment quelquefois sur la logique et inversement, pourquoi la raison nous empêche d’exprimer nos émotions de manière déplacée. 

II  Variabilité individuelle des réactions au stress

Le modèle de Selye indique des modalités stéréotypées de réponse au stress. Dans les années 50 John Mason, observa que certains patients en attente d’une chirurgie cardiaque avaient un taux de cortisol très bas et que ces patients utilisaient des stratégies de désengagement telles que l’évitement, le retrait ou le déni. Au contraire, des patients qui présentaient un comportement engagé et une émotion forte montraient des niveaux élevés de cortisol. Il fit les mêmes constatations chez des parents d’enfants leucémiques ou encore chez les militaires américains des forces spéciales du Vietnam. Quelle que soit la situation, à chaque fois qu’une personne soumise à un agent stresseur adoptait une attitude de désengagement, son taux de cortisol était très bas. Ces données suggéraient que l’axe engagement/désengagement constituait une dimension fondamentale du fonctionnement psychique et était en lien avec le système du cortisol.

Des tests réalisés chez les singes en 1971 ont confirmé cette hypothèse. Chez eux, une augmentation lente de la température ne provoquait pas de stress ni d’activation de l’axe corticotrope. Par contre une augmentation brutale des températures sollicitait ce dernier. Ce n’est donc pas l’intensité du stresseur qui est déterminante mais la façon dont il est perçu par le sujet.

En 1972, Jay Weiss, met en évidence l’importance de l’axe actif/passif.

Il a réalisé une expérience sur 3 rats enfermés dans une cage, attachés mais libres de bouger leurs pattes. Ces rats possédaient face à eux une roue qu’ils étaient libres d’actionner avec leurs pattes avant. Les 2 rats de gauche recevaient simultanément des chocs électriques dans la queue et le troisième rat était en position de témoin et ne recevait donc jamais de chocs électriques. Le rat le plus à gauche pouvait bloquer les chocs électriques en actionnant la roue : s’il la tournait au moment du choc électrique, ce dernier s’arrêtait net à la fois pour lui et pour son voisin de droite qui ne disposait pas de cette possibilité de contrôle. Le rat avait donc la possibilité d’effectuer un rétrocontrôle en actionnant la roue. Le choc électrique était associé à un signal sonore continu déclenché juste avant l’apparition du choc et s’arrêtant en même temps que le choc quand la roue était actionnée. Le rat de gauche (test 1)  par apprentissage, pouvait ainsi prédire et contrôler les chocs électriques. Il restait donc maître de ce qu’il lui arrivait alors que le rat de droite (test 2) subissait les chocs et l’arrêt des chocs sans aucun contrôle sur ceux-ci. 

Document 10 : Expérimentations de Jay Weiss

Le premier ne présentait aucune pathologie tout comme le rat témoin alors que le deuxième rat présentait des ulcères gastriques et toute une série de manifestations comportementales correspondant à de l’anxiété et de la dépression. L’expérience de Weiss révéla ainsi que le fait de pouvoir rester dans une position active, de disposer d’un contrôle même partiel, constitue un facteur majeur de préservation de la santé. Une amélioration de la situation ne protège pas l’individu si cette amélioration est vécue passivement. Il a été prouvé qu’une situation de stress incontrôlable entraîne une baisse de la prolifération et de la survie des neurones de l’hippocampe. Or il a été constaté qu’une possibilité de contrôle de la situation entraîne au contraire une augmentation de la production d’un facteur neuro-protecteur au niveau de l’hippocampe. La conquête d’un contrôle ne fait donc pas qu’annuler un effet négatif, elle a un effet biologique positif observable au niveau neuronal.

Lors de la survenue d’un agent stresseur, sa nocivité et la possibilité d’y faire face sont donc évalués par des processus cognitifs et émotionnels. Ces processus présentent une forte variabilité individuelle et sont à l’origine de la diversité des réponses des individus soumis à une même situation stressante.

 

Stress : Circuit de la peur - SVT - SANTÉ Term spé #15 - Mathr

Date de dernière mise à jour : 29/06/2021